Alors que les rencontres européennes de la participation ont lieu du 13 au 17 septembre 2021 à Amiens, des associations du quartier d’Etouvie se mobilisent pour dénoncer l’absence de prise en compte de la parole des habitants dans le cadre du projet de rénovation urbaine du quartier. Nous reproduisons ici leur communiqué détaillant les 9 conditions nécessaires à la participation des habitants.
Amiens accueille les rencontres européennes de la participation. Des élus, des professionnels et peut-être des citoyens vont venir de loin pour échanger sur les bonnes pratiques participatives. Dans le quartier d’Etouvie, comme dans d’autres quartiers, des habitants et des associations tentent de s’impliquer mais sont confrontés depuis des années à un manque de dialogue avec les élus locaux. La plupart des habitants n’y croient plus et jugent inutile de participer et de se mobiliser car, pour eux, tout est décidé d’avance.
Quatre associations ont engagé en 2008 un travail avec des habitants sur la rénovation urbaine d’Etouvie, quartier qui a compté jusqu’à 3000 logements HLM. Après deux bilans de la concertation difficile en 2011 et en 2015, le collectif associatif a exprimé en 2017 neuf conditions nécessaires à la co-construction. Elles ont été validées par le conseil citoyen d’Etouvie le 26 juin 2017. Elles n’ont eu aucun écho des élus locaux.
Le Comité de quartier Etouvie Renouveau invite à en parler
Comment coconstruire la rénovation urbaine d’Etouvie et la gestion quotidienne du quartier (entretien, tranquillité, sécurité)
9 conditions nécessaires
1. On sait rarement plus de 3 semaines à l’avance qu’un sujet va être soumis à « concertation » à telle date. On ne sait jamais quel délai de réflexion sera donné, quand et comment sera prise la décision. Il nous est donc impossible de nous organiser pour nous documenter, pour susciter la parole et la réflexion des habitants et des associations.
D’où la première condition de la co-construction : établir au départ un accord entre les partenaires de la coconstruction sur :
– l’objet de la concertation envisagée,
– le calendrier et les étapes de concertation de A à Z,
– les sujets à aborder et la méthode de concertation.
Préciser dans cet accord:
– ce qui sera mis en débat, ce qui ne sera pas négociable,
– quand et comment sera prise la décision,
– comment la collectivité ou le bailleur et les associations s’engagent à informer et mobiliser les habitants pour qu’ils donnent leur avis et expriment des besoins et des propositions.
2. On découvre toujours en réunion les documents projetés à l’écran. On repart presque toujours sans ces documents. On ne peut donc pas y réfléchir posément et les montrer à des personnes absentes mais concernées. On n’obtient pas toujours les documents qu’on demande même s’ils sont publics, comme ceux qui ont fait l’objet d’une délibération du conseil municipal ou d’agglomération.
D’où la deuxième condition : obtenir toutes les informations nécessaires à la compréhension du sujet et à la réflexion.
3. On nous laisse très rarement le temps d’aller à la rencontre des habitants et d’élaborer collectivement des propositions. Cela nécessite des semaines ou des mois. Pas plus que le temps pris par les services pour étudier les projets. Mais on arrive toujours à la fin de la préparation du projet et on nous dit que notre avis arrive trop tard. Il ne nous reste plus qu’à faire une pétition contre la décision qui ne changera pas.
D’où la troisième condition : avoir le temps de mener des réflexions et de rencontrer les habitants.
4. Quand on propose autre chose que la solution ou les variantes qui nous sont présentées, on nous dit toujours que ce n’est pas possible techniquement ou financièrement ou que c’est inacceptable par l’ANRU. Quand on peut, on tient bon, on prend des mesures sur place, on mène des enquêtes, on rencontre discrètement des experts et on dessine des solutions. On gagne parfois. Ce qui était jugé impossible s’avère possible et pas coûteux. Il a fallu dépenser une énergie considérable et oser aller à contre-courant.
D’où la quatrième condition : avoir la possibilité de faire étudier des variantes ou des contrepropositions et de faire intervenir éventuellement un professionnel neutre.
5. On ne sait jamais si les techniciens sont autorisés à répondre à nos questions et à nos demandes de documents, s’ils vont répondre à nos mails. Passer par les élus est long, compliqué et souvent sans résultat.
D’ou la cinquième condition : avoir des interlocuteurs disponibles joignables par mail et par téléphone pour obtenir des informations, des documents et discuter sur les détails des modalités de concertation.
6. Quand il faut des mois pour recevoir une réponse à un courrier ou pour obtenir un rendez-vous avec les élus, le dialogue est impossible dans les délais fixés pour la préparation des projets.
D’ou la sixième condition : obtenir des réponses aux courriers et des rendez-vous dans des délais raisonnables.
7. Les discussions sont la plupart du temps déséquilibrées. Il y a ceux qui savent, qui ont réponse à tout et qui font comprendre qu’il est déplacé d’insister sur des désaccords. Ils sont souvent sur une estrade avec un micro. Ils sont souvent aussi nombreux (élus et professionnels) que les habitants présents.
Il n’y a pas de compte-rendu des discussions contradictoires. Le magazine hebdomadaire de la collectivité publie des reportages qui ne disent rien des débats contradictoires, ce qui est une manière d’ignorer délibérément les arguments avancés par les habitants et leurs associations.
D’où la septième condition : avoir des temps de discussion équitables :
-on nous écoute, on nous fait confiance sans nous écraser,
-les arguments différents ou contradictoires sont notés précisément et intégrés dans un compte-rendu à valider et à diffuser.
8. Il n’y a quasiment jamais eu de temps de discussion approfondie et argumentée autour d’une table sur les points de désaccord. On découvre après coup ce qui a été décidé.
D’où la huitième condition : avoir des temps de négociation sur les points de désaccord.
9. Même s’ils y sont théoriquement obligés dans les enquêtes publiques et les concertations préalables obligatoires, les élus ne font jamais état de la manière dont ils ont pris en compte les arguments des habitants et des motifs de leur choix (sauf quand le projet est consensuel). Les désaccords sont évacués, niés. L’enrichissement éventuel du projet par la concertation n’est même pas valorisé. Cela ne peut que conforter les habitants dans leurs propos habituels : « Ça ne sert à rien de s’exprimer car tout est déjà décidé ».
D’où la neuvième condition : disposer au moment des délibérations et des décisions des élus :
-d’un bilan de la concertation avec les avis, propositions et arguments émis dans le quartier,
– d’un exposé sur les motivations qui fondent la décision des élus, sur la manière dont a été prise en compte la concertation et sur l’enrichissement du projet obtenu par la coconstruction.
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